Fabriquer son pain

Ceci n'est pas qu'une recette, c'est un moyen de devenir plus autonome, d'améliorer sa résilience personnelle, de ne pas craindre une pénurie. En effet, il vous suffit de disposer d'une réserve de farine et de levure (ou de farine seulement pour la deuxième recette) pour assurer votre approvisionnement en pain frais pendant un temps assez long, tout dépendra de votre stock !

Recette ultra simple, rapide, économique et inratable

Pour 1 kg de pain, il vous faut
700 g de farine T65 bio
10 g de levure boulangère
10 g de sel fin (pour qu'il se dissolve bien)
450 g d'eau non chlorée

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  • Mettre la farine, le sel et la levure dans le pétrin, faire tourner lentement, de préférence avec le malaxeur en queue-de-cochon.
  • Verser l'eau progressivement et laisser pétrir jusqu'à temps que la pâte soit bien homogène et ne colle plus sur les bords.
  • Déposer la pâte dans un moule haut en pyrex (ou une cocotte en fonte) préalablement graissé au beurre ou au beurre végétal.
  • Laisser la pâte lever pendant environ 3 h à 22° ou une nuit à 19°, jusqu'à ce qu'elle commence à déborder du haut du moule.
  • Enfourner à 200° (thermostat 6-7), au niveau le plus bas près de la sole, convection naturelle, pendant 45 minutes.
  • Défourner, démouler, laisser refroidir sur une grille ou une clayette... et déguster !
Une fois refroidie, vous pouvez conserver votre boule dans un sac plastique ou papier pendant une semaine.

Et le prix ?

Farine : 0,70 € (0,99 € le kilo - code 3596710474417)
Levure : 0,25 € (0,76 € les 30 g - code 3596710334964)
sel : 0,04 € (0,49 € les 125 g - code 3183280001800)
eau : négligeable
ce qui met le kilo de pain à 1 €

Recette traditionnelle au levain

Plus digeste, plus nourissant, meilleur au goût, bref, c'est le top du top !

Créer le levain

Le levain est très simple à faire. De l'eau non chlorée, de la farine de blé bio T65 ou T80 ou plus, ou encore mieux, moitié farine de blé, moitié farine de seigle complète T150.
Un bocal parfaitement propre sera nécessaire ainsi qu'une spatule en bois.

Le levain se démarre en général sur 3 ou 4 jours si les conditions sont optimales.

Le premier jour, le matin, versez 25 g de farine et 25 g d'eau dans le bocal et tournez jusqu'à obtenir une pâte assez liquide.
Le soir, remettez 25 g de farine et 25 g d'eau.

Le deuxième jour, enlevez la moitié du levain pour ne garder que 50 g et commencez en rajoutant 25  de farine et 25 g d'eau.

Et ainsi de suite, jusqu'à obtention de nombreuses bulles observables au travers de la paroi du bocal.
Le levain chef est prêt.

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Pour la suite de la recette, le levain doit être au maximum de ses capacités. Soit vous l'utilisez tout de suite, soit il se conservera 7 ou 8 jours au réfrigérateur dans une boite fermée.
Pour la multiplication future du levain, gardez toujours le même principe. Un volume de levain, un volume d'eau et un de farine.

Le levain tout point


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Pour préparer un pain traditionnel au levain, il faut préparer un levain tout point, bien plus sec. Prélevez 80 g de levain chef, mélangez-le à 50 g de farine T80 et 30 g d'eau non chlorée. Gardez-le au chaud à 21 degrés, il faut attendre 4 ou 5 heures pour que la fermentation soit à son maximum.
Ensuite ajoutez de nouveau 100 g de farine et 60 g d'eau. Et au bout de 4 à 5 heures le levain tout point est prêt pour sa première tournée de pain.

Il doit vous rester 20 g de levain chef dans le bocal. Il se conservera 8 à 10 jours au réfrigérateur et sera réutilisable pour la prochaine fournée en le conservant au frais. À moins d'utiliser la totalité du levain en doublant les doses proposées ci-dessous, ce qui donnera un pain d'environ 2 kg, comme sur les photos.

Le pain, enfin

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Le pain au levain traditionnel, c'est avant tout de la patience. Il faut compter entre 18 et 20 heures entre la première manipulation et la mise au four. Mais quelle récompense ! Dans un saladier, déposez 160 g de levain tout point, ajoutez 500 g de farine T80, 8 g de sel et 350 g d'eau non chlorée. Vous pouvez commencer à mélanger avec une spatule, mais à un moment il faudra se salir les doigts. Malaxez, étirez, frappez le pâton dans le saladier ou sur le plan de travail sans le déchirer et jusqu'à ce que la pâte ne soit plus collante ou presque. Ensuite, ajoutez 50 g d'eau en deux ou trois fois dès que la pâte devient moins collante.


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Écrasez la boule sur le plan de travail légèrement fariné et repliez le bord sur lui-même trois ou quatre fois. Placez votre boule les plis vers le bas dans le saladier et couvrez avec un plateau, une planche à découper ou un chapeau.


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Laissez à température ambiante pendant 10 min et placez le récipient dans un endroit entre 6 et 10°. Si la température est en dessous des 6°, la fermentation va s'arrêter. Ensuite plus la température sera élevée, plus le temps de pousse sera court. Mais il faut garder en tête que l'objectif est justement de la faire durer. À 6°, il faudra 18 à 24 heures pour qu'elle double de volume, mais à 10°, le résultat sera obtenu en 6 à 8 heures.

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À ce stade, renversez la pâte sur le plan sans trop l'écraser ou la déchirer. Repliez de nouveau les bords sur le centre sans forcer. Préparez un saladier ou un panier dans lequel vous placerez un torchon propre généreusement fariné et placez la boule les plis vers le haut cette fois. Couvrez, placez dans un endroit chaud (à côté d'un radiateur par exemple) et laissez reposer 2 ou 3 heures.

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Préchauffez votre four à 250° ou à 300° si c'est possible, avec une lèche frite et un bol rempli d'eau. Après deux extinctions du voyant, placez un plateau en bois sur le récipient contenant le pain que vous aurez fariné et retournez l'ensemble.


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Pratiquez deux entailles profondes sur le dessus du pain à l'aide d'un cutter ou un couteau très coupant, enfournez-le à la manière d'un pizzaiolo. La porte du four ne doit pas rester ouverte trop longtemps. Au bout d'une dizaine de minutes, baissez le thermostat à 220° et laissez cuire 30 à 40 minutes.
La croûte doit être bien foncée. Le temps de cuisson est forcément plus long si vous doublez les quantités.

Une fois la cuisson terminée, posez le pain sur une grille et écoutez votre pain vous croustiller à l'oreille : "Bravo ! Beau travail, tu peux être fier". Et c'est vrai que c'est extrêmement gratifiant. Si le résultat est décevant, pas de découragement, vous vous améliorerez !

Le défaut le plus fréquent est un pain trop acide. Cela peut être dû à un stockage au froid ou à l’utilisation d’un levain dur, ce dernier développant davantage une acidité acétique. Utiliser un levain liquide et donc hydraté avec une proportion égale de farine et d’eau. L’utilisation d’un levain dur, alors qu’on pensait avoir utilisé un levain liquide, vient parfois du fait que l’on a nourri le levain en se fiant aux volumes et non aux poids. Il est important de toujours peser les ingrédients pour rester dans les bonnes proportions.


Extraits du livre "Faire son levain" de Abdelli Mouni, Eyrolles, 2018

La digestibilité et l’aspect nutritionnel du pain fermenté grâce à ce procédé sont des points très importants. En effet, la panification au levain naturel, résultat de l’action des bactéries lactiques qui dégradent les sucres et produisent ainsi des acides lactiques et acétiques, diminue le pH et génère donc une acidification de la pâte. Cette acidification a beaucoupd’avantages. Les céréales contiennent de l’acide phytique, présent en grande quantité dans les farines complètes puisqu’il se concentre principalement dans l’enveloppe du grain. Or, cet acide phytique interfère
avec la bonne assimilation des minéraux présents dans le grain. L’acidification de la pâte active une enzyme appelée phytase, qui permet la dégradation des acides phytiques. D’où l’importance du temps long : plus une pâte fermentera lentement, plus l’enzyme aura le temps d’agir et autorisera ainsi la libération et l’assimilation de tout ce potentiel minéral. De plus, cette acidification favorise une meilleure conservation du pain, contrairement aux pains et préparations boulangères réalisées rapidement grâce à la levure boulangère, qui auront tendance à se dessécher tout aussi
vite.

Plusieurs auteurs ont démontré l’intérêt de la consommation du pain au levain en raison de son index glycémique plus faible et de sa meilleure tolérance digestive. En effet, on considère que la fermentation au levain conduit à une certaine "prédigestion" du produit puisque des phénomènes enzymatiques, tels que l’action de la protéase (une enzyme qui dégrade le gluten), vont agir directement sur le gluten et permettre ainsi sa transformation. De ce fait, le levain peut convenir aux personnes souffrant d’inconfort intestinal lié à la consommation de produits contenant du
gluten. À ce sujet, dans la série culinaire Cooked (diffusée sur Netflix) du journaliste américain Michael Pollan, adaptée de son best-seller Nutrition, mensonges et propagande (Thierry Souccar Éditions, 2008), l’auteur, devenu adepte du pain au levain naturel, explique comment notre façon de
faire du pain "moderne" depuis des décennies a totalement nui à notre santé. Les modes de panification rapides, sans réelle fermentation, le plus souvent à base de farines blanches uniquement, ont, selon lui, contribué au développement des intolérances alimentaires (au gluten notamment) et des désordres métaboliques (diabète, etc.) que connaissent de plus en plus de personnes. Il est persuadé que si la plupart s’habituaient à consommer des pains lentement fermentés, ils oublieraient bien vite les désagréments liés à cette surconsommation de pains modernes.

Pour ma part, je fais du pain au levain naturel depuis plusieurs années. Au début, je m’y prenais d’une mauvaise manière : j’utilisais du levain davantage pour le goût et la légère acidité qu’il donnait au pain que pour ses bénéfices. De plus, je l’associais à de la levure boulangère en quantitéhabituelle, ne laissant donc aucun réel repos à la pâte. Je pensais donc "faire du pain au levain", mais, en réalité, ce n’était rien d’autre qu’un pain à la levure "amélioré". Il était donc normal que je finisse par abandonner cette façon de procéder, me disant que le levain était contraignant et que, finalement, je n’en tirais pas beaucoup de bénéfices. Comme je me trompais !

Quelques années plus tard, j’ai découvert des photos de pains réalisés par Chad Robertson, boulanger à San Francisco qui a été formé par un "gourou" du pain au levain, Richard Bourdon, mais également auprès de boulangers français en Savoie et en Provence. Sa popularité ne cessait de croître – c’est une vraie vedette parmi les boulangers et amateurs de levain naturel –, popularité largement méritée puisqu’il suffisait de voir ses pains pour s’imaginer les déguster : une belle croûte caramélisée et une mie aérée couleur crème, gage d’authenticité et de la passion du boulanger. Rien à
voir avec les pains que je réalisais avant. C’était comme un nouveau challenge : je me devais de réitérer l’expérience et j’ai décidé aussitôt de retenter l’expérience !

Direction le magasin bio pour faire le plein de farines, car je voulais mettre toutes les chances de mon côté. De bonnes farines de seigle et de blé pour débuter devaient suffire. Quelques ustensiles : un bocal, un bol, une maryse, un coupe-pâte, etc. – j’étais prête ! Armée d’une recette de pain de campagne au levain naturel, je me suis lancée de nouveau dans cette aventure qui ne s’est plus arrêtée ! Aujourd’hui, je ne le regrette absolument pas. Toutes mes habitudes de consommation de pains et de produits de boulangerie ont changé. De plus, mes proches ont redécouvert le goût du "vrai" pain. Nous le digérons mieux, nous sommes également plus rassasiés et les propriétés organoleptiques sont améliorées.
Un bon pain a besoin de temps, le temps nécessaire à une fermentation efficace qui permet de tirer profit des nutriments que nous offrent les céréales ; et même si ce processus impose qu’une pâte repose 8 à 12 h, nous avons tout à y gagner !

Ce livre n’a pas pour vocation de diaboliser la levure boulangère commerciale que nous pouvons ajouter dans certaines recettes, mais principalement de faire comprendre qu’une longue fermentation est indispensable, autant pour ses bienfaits que pour la saveur du pain. J’ai réalisé moi-même toutes les recettes de ce livre à partir de farines françaises, dans le four ménager de ma minuscule cuisine, en région parisienne. Il n’y a donc pas de raison pour que vous n’obteniez pas les mêmes résultats. Prenez le temps de bien lire le déroulé des recettes et, surtout, faites-vous confiance !
Bonne boulange les co’Pains !